Le secteur de la presse au Maroc a été secoué ces derniers jours par une vive polémique, après la diffusion d’enregistrements audio attribués à une réunion du Comité de déontologie et des affaires disciplinaires relevant de la commission provisoire chargée de gérer le secteur de la presse et de l’édition. Ces enregistrements, liés à l’examen d’une plainte visant le journaliste Hamid El Mehdaoui, ont suscité une vague de réactions au sein des milieux professionnels et politiques, faisant de cette affaire l’un des dossiers médiatiques les plus marquants de l’année 2025.
Dans ce reportage, nous retraçons l’histoire complète de cet affrontement, marqué par des fuites controversées, des réactions indignées et des appels à l’ouverture d’enquêtes pour déterminer les responsabilités.
Le début de la crise : une fuite depuis une réunion du Comité de déontologie
La crise éclate dans la nuit du jeudi 20 novembre 2025, lorsque Hamid El Mehdaoui publie sur sa chaîne YouTube un enregistrement sonore présentant, selon lui, des délibérations internes du Comité de déontologie et des affaires disciplinaires.
L’enregistrement contient des extraits attribués à des membres du comité, comprenant des propos jugés controversés, que El Mehdaoui interprète comme une preuve d’hostilité et de préjugés à son égard dans le traitement d’une plainte le concernant.
La diffusion rapide de ces enregistrements sur les réseaux sociaux a immédiatement soulevé des interrogations sur le fonctionnement interne du comité et sur les garanties éthiques et juridiques encadrant le mécanisme d’autorégulation de la presse au Maroc.
La réaction de la commission provisoire : “Manipulation et désinformation”
La commission provisoire n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué publié le vendredi 21 novembre 2025, elle affirme que les enregistrements ont été “manipulés et déformés”, et qu’ils visent à “induire le public en erreur et porter atteinte aux membres de la commission”.
Le communiqué précise que les propos attribués au président du Comité de déontologie sont “faux”, que les extraits ont été “sortis de leur contexte”, et annonce que des poursuites judiciaires seront engagées contre toute personne impliquée dans la fuite ou la diffusion de ces contenus.
La commission rappelle également que ses réunions se déroulent conformément au règlement intérieur du Conseil national de la presse, et que son article 19 autorise le président à inviter des personnes en qualité consultative, ce qui, selon elle, réfute les accusations de “manœuvres” ou de “dérives” dans la prise de décision.
La réaction du Syndicat national de la presse : “Des dérives inédites”
Dans une position en contradiction avec celle de la commission provisoire, le Syndicat national de la presse marocaine a publié un communiqué au ton très ferme, exprimant son indignation face au contenu des enregistrements.
Le syndicat estime que les enregistrements contiennent des “faits graves portant atteinte à la dignité humaine” et révèlent des “dérives inédites” au sein de certains membres de la commission provisoire.
Il accuse les enregistrements de refléter une “manipulation dangereuse” de l’esprit de l’autorégulation de la profession, et condamne un “ciblage indécent” du journaliste Mohamed Talbi.
Le syndicat réclame l’ouverture d’une enquête urgente et indépendante pour établir la vérité et engager les responsabilités juridiques et disciplinaires.
La réaction du Parti de la Justice et du Développement : “Une extrême gravité” et appel à une enquête judiciaire
Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) est également intervenu dans le débat, exprimant son “profond regret” face au contenu des fuites, qu’il juge d’une “extrême gravité”, car émanant d’une instance exerçant des missions liées à l’autorégulation de la presse.
Le parti estime que la commission provisoire a “perdu toute légitimité”, dénonçant la prolongation de son mandat “en dehors du cadre légal”.
Selon le PJD, la réunion présentait une “dimension vindicative” contraire à l’éthique professionnelle. Le parti a également exprimé sa solidarité avec El Mehdaoui, affirmant qu’il a été victime d’un “traitement inadéquat”.
Le parti demande l’ouverture d’une enquête judiciaire urgente sur les enregistrements et leurs implications sur l’indépendance de la justice et de l’autorégulation.
Le Parlement saisit le dossier : questions écrites et demandes d’enquête
L’affaire a rapidement dépassé le cadre professionnel pour atteindre l’institution législative. Plusieurs députées ont saisi le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication :
Fatima Tamni (Fédération de la gauche)
Elle estime que les enregistrements révèlent des “dérives graves et inédites” mettant en question la neutralité du comité provisoire.
Nadia Tahami (Parti du progrès et du socialisme)
Elle considère que le contenu des enregistrements “porte atteinte à la confiance dans les institutions” et demande des clarifications sur les mesures à entreprendre pour enquêter sur les faits.
Hamid El Mehdaoui : “Le combat continue”
Hamid El Mehdaoui, de son côté, affirme que les enregistrements prouvent “l’absence d’impartialité” dans l’examen de son dossier. Il insiste sur le fait que son combat “n’est pas personnel”, mais vise à “défendre les principes de l’autorégulation”.
Il estime que cette affaire constitue un “moment révélateur” des failles des mécanismes d’évaluation professionnelle dans le secteur de la presse, tout en affirmant sa disponibilité à répondre à toute procédure légale.








