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Les déclarations du ministre de la Justice, lors d’un colloque organisé à Rabat sur le projet de loi de procédure pénale, ont déclenché une vague de polémique dans les milieux judiciaires. Le Club des Magistrats du Maroc les a jugées offensantes envers l’autorité judiciaire, portant atteinte à sa position constitutionnelle.
Dans une réaction ferme, le Club des Magistrats a publié un communiqué officiel ce 21 février 2025, dénonçant le ton adopté par le ministre de la Justice à l’égard des magistrats et des associations professionnelles les représentant. Le communiqué qualifie ces déclarations de “sarcastiques et irresponsables”, estimant qu’elles constituent une atteinte à la dignité du corps judiciaire dans un État de droit fondé sur la primauté de la loi.
Un dépassement du devoir de réserve
Le Club des Magistrats a reproché au ministre d’avoir outrepassé son devoir de réserve, imposé par sa fonction gouvernementale, soulignant que ses propos sont indignes de l’histoire du ministère et constituent une violation manifeste du principe du respect de l’autorité judiciaire.
Le communiqué rappelle également que les magistrats appliquent la loi mais ne l’exécutent pas, contrairement aux affirmations du ministre. Il s’appuie sur l’article 110 de la Constitution, qui définit clairement les attributions des juges et consacre leur indépendance.
Un manque de concertation dans l’élaboration du projet de loi
Le Club des Magistrats a aussi critiqué l’absence de concertation dans l’élaboration du projet de loi de procédure pénale, affirmant que les associations professionnelles de magistrats ont été totalement exclues du processus. Cette situation constitue, selon le club, une violation flagrante de l’article 12 de la Constitution, qui consacre l’approche participative comme principe fondamental dans l’élaboration des politiques publiques.
Le Club insiste sur le fait que la démocratie participative n’est ni un privilège ni une faveur, mais bien une obligation constitutionnelle que le ministère de la Justice doit respecter, notamment en garantissant l’implication des associations professionnelles de magistrats dans toute réforme les concernant.
Un rejet des propos du ministre sur l’indépendance de la justice
Le Club des Magistrats du Maroc a également exprimé sa vive indignation face aux “propos graves” du ministre sur l’indépendance de la justice. Il rappelle que cette indépendance n’est pas une concession de l’exécutif, mais un choix royal stratégique, soutenu par une volonté populaire affirmée dans la Constitution de 2011.
Le communiqué avertit que les déclarations du ministre pourraient donner une impression contraire et porter atteinte au principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Il rappelle que l’autorité judiciaire est indépendante, conformément à l’article 107 de la Constitution, et que le ministre n’a aucun droit d’ingérence dans l’évaluation du travail des responsables judiciaires, notamment en ce qui concerne les décisions de mise en liberté ou d’autres jugements.
Le Club souligne que toute ingérence de l’exécutif dans l’appréciation des décisions judiciaires compromet les efforts visant à renforcer la confiance des citoyens dans la justice marocaine.
Un climat de tension grandissant entre le ministère et les magistrats
Dans la conclusion de son communiqué, le Club des Magistrats du Maroc a réaffirmé son engagement en faveur des principes pour lesquels il a été fondé, dans le strict respect de la Constitution, des lois en vigueur, des orientations royales et des normes internationales garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Ce bras de fer s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre les associations professionnelles de magistrats et le ministère de la Justice, soulevant des interrogations sur l’avenir de leur relation et les répercussions de ce conflit sur les réformes judiciaires au Maroc.