Le secteur immobilier à Tanger connaît un net ralentissement en raison d’obstacles administratifs et de retards dans la validation des dossiers. Dans cet entretien accordé à Journaux Chamaly, Issa Ben Yaacoub, président de l’Union des promoteurs immobiliers de la région de Tanger, met en lumière les principales difficultés du secteur et propose des pistes pour relancer l’investissement et rétablir l’équilibre sur le marché.
Comment décrivez-vous la situation actuelle du secteur immobilier à Tanger ?
On peut dire que le secteur traverse une période de faible activité, marquée par une demande limitée. Cette situation résulte directement de la lenteur des procédures administratives et des délais excessifs de traitement des dossiers. À cela s’ajoute la hausse du prix des terrains et des matériaux de construction, ce qui a provoqué une flambée des prix des appartements, désormais inaccessibles pour une grande partie des ménages.
De quels retards administratifs s’agit-il concrètement ?
Nous avons des dossiers déposés pour obtenir des autorisations qui restent plus d’un mois sans traitement. Une fois la phase des observations entamée, il faut souvent compter plus de six mois pour obtenir le permis.
La cause principale est le manque de coordination entre les administrations : chaque service travaille isolément, alors que des réunions conjointes étaient autrefois organisées pour résoudre collectivement les dossiers. Aujourd’hui, chaque institution formule ses remarques séparément, ce qui allonge considérablement les délais et complique la procédure.
Certains affirment que la numérisation a aggravé les lenteurs au lieu de les réduire. Qu’en pensez-vous ?
C’est exact. La digitalisation devait, en principe, accélérer le travail administratif, mais elle est devenue un facteur de blocage supplémentaire. Beaucoup de dossiers restent bloqués sur les plateformes numériques à cause de problèmes techniques ou d’un manque d’interaction entre les administrations. L’idée de la numérisation est bonne, mais elle nécessite une gestion efficace et une coordination continue entre les différents services concernés.
Les difficultés persistent-elles après l’obtention du permis de construire ?
Oui, même après la fin des travaux, les entreprises rencontrent des retards lors de la livraison des projets et de la validation technique par Amendis (eau, électricité et assainissement).
Les opérations techniques et comptables finales prennent un temps excessif, ce qui affecte la trésorerie des entreprises et retarde le lancement de nouveaux projets.
Quel est l’impact du retard des plans d’aménagement sur le secteur ?
Il est considérable. En plus du retard du plan sectoriel de l’arrondissement Bni Makada, qui couvre près de 500 hectares, d’autres documents d’aménagement – tels que ceux relatifs à la zone de la gare, à Sania, à l’arrondissement de la ville et à la commune d’Akznaya – sont toujours en attente.
Or ces documents sont essentiels pour orienter les investissements et encadrer l’expansion urbaine. Leur absence ou leur retard bloque de nombreux projets et réduit l’offre de terrains constructibles, entraînant ainsi une hausse des prix due au déséquilibre entre l’offre et la demande.
Peut-on dire que les prix actuels dépassent les capacités d’achat des ménages ?
Absolument. Certains appartements ne correspondent plus du tout au pouvoir d’achat de la classe moyenne. Le coût du foncier a fortement augmenté, tout comme celui des matériaux de construction. Avec la rareté des terrains aménagés et la cherté des autorisations, il devient difficile de proposer un produit final à prix abordable.
Cette situation pénalise à la fois les promoteurs et les citoyens, affaiblissant la dynamique économique du secteur.
Quelles sont vos propositions pour sortir de cette crise ?
Nous avons besoin d’une approche globale impliquant tous les acteurs : les communes, l’agence urbaine, Amendis, la conservation foncière et les services techniques.
Il faut rétablir les réunions conjointes périodiques pour lever rapidement les remarques, simplifier les procédures administratives et harmoniser la digitalisation avec la gestion de terrain.
Il est également urgent d’accélérer l’approbation des plans d’aménagement sectoriels et de libérer de nouveaux terrains à bâtir afin d’offrir des logements à des prix accessibles.
Quel message souhaitez-vous adresser en tant qu’Union des promoteurs immobiliers ?
Notre message est clair : nous voulons un environnement d’investissement stable, une administration coopérative et des procédures transparentes et rapides.
Tanger est une ville prometteuse dotée d’un fort potentiel, mais elle a besoin d’une planification urbaine efficace et d’une gouvernance moderne pour relancer l’économie locale au lieu de la freiner.




  
  



