Les amendements apportés par les conseillers parlementaires au projet de loi organique n° 97.15, déterminant les conditions et modalités d’exercice du droit de grève, selon la version adoptée par la Chambre des représentants, ont principalement porté sur l’inclusion d’un préambule, la précision de la définition de la grève et de son application, ainsi que la clarification de certaines dispositions essentielles, en plus de la détermination des catégories concernées par l’exercice de ce droit constitutionnel.
Lors de la séance tenue ce vendredi par la Commission de l’éducation, des affaires culturelles et sociales, en présence du ministre de l’Inclusion économique, de la Petite Entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, les groupes parlementaires et les représentations syndicales et professionnelles ont souligné l’importance de ce texte législatif en tant que cadre réglementaire des relations professionnelles garantissant le droit de grève dans les secteurs public et privé pour diverses catégories de travailleurs et de professionnels.
L’Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT) et l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) ont proposé des amendements visant à ajouter un préambule au projet de loi organique, justifiant cela par la nécessité de clarifier les concepts liés à l’exercice du droit de grève et de référencer les dispositions constitutionnelles qui l’encadrent, ainsi que les conventions internationales pertinentes, notamment la Convention fondamentale n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté d’association et la protection du droit syndical.
En réaction à ces propositions, le ministre Sekkouri a exprimé des réserves quant à l’insertion d’un préambule, arguant que l’inclusion de dispositions spécifiques dans le préambule est compliquée. Il a toutefois suggéré d’élargir les consultations juridiques pour parvenir à un compromis qui pourrait être soumis en séance plénière.
Après la demande du ministre aux groupes de la majorité de retirer leurs amendements sur l’article premier pour permettre un consensus, la proposition d’ajouter un préambule a été rejetée par la majorité des conseillers parlementaires présents.
Concernant le titre du premier chapitre, intitulé “Définitions”, le ministre a proposé d’y ajouter “Champ d’application”, pour devenir “Définitions et champ d’application”, et de supprimer cette mention dans le titre du deuxième chapitre. Cet amendement a été adopté avec 12 voix pour, 5 contre et 2 abstentions.
Quant à l’article 2, qui définit la grève et ses catégories, le ministre a accepté partiellement certains amendements proposés par les groupes et les syndicats. Ces modifications concernent notamment la définition de la grève comme une cessation temporaire de travail, l’inclusion des droits moraux parmi les motifs de la grève, son exercice en défense des intérêts indirects entre les salariés et l’employeur, et les catégories concernées.
Suite aux débats, Sekkouri a proposé un compromis sur la reformulation de l’article 2, qui a été adopté avec 12 voix pour et 5 contre.
L’amendement définit désormais la grève comme “une cessation temporaire totale ou partielle du travail, décidée par l’entité appelant à la grève, exercée par un groupe de travailleurs en relation directe ou indirecte avec l’entreprise, l’institution, le service public ou par un groupe de professionnels, en défense d’un droit ou d’un intérêt économique, professionnel ou moral lié aux conditions de travail”.
Concernant l’article 3, qui définit plusieurs concepts, les conseillers parlementaires ont proposé des amendements, notamment l’élargissement de la définition du “travailleur” pour inclure toutes les catégories de salariés et toutes les formes de relations de travail, la suppression de l’exclusion des employés des établissements publics à caractère industriel ou commercial du droit de grève, et la suppression des définitions de “l’entrave à la liberté du travail pendant la grève” et “l’occupation des lieux de travail”.
Le ministre a précisé que, pour éviter toute ambiguïté, la définition du travailleur inclurait désormais “le salarié, le fonctionnaire, l’agent, l’employé, le contractuel, et toute personne s’engageant à effectuer un travail contre rémunération sous la direction d’un employeur avec lequel il entretient une relation de travail directe dans le secteur privé ou public”.
Quant au secteur privé, il a été défini comme incluant “les personnes physiques et morales, à l’exclusion de celles définies dans le secteur public, employant un ou plusieurs travailleurs”, tandis que le terme “syndicat” a été remplacé par “organisation syndicale” dans la définition des entités appelant à la grève.
Concernant les services essentiels, qui ont fait l’objet de discussions approfondies, le ministre a indiqué qu’ils désignent “les activités exercées par des professionnels ou des services relevant du secteur public ou privé, ou des deux, et fournissant un service essentiel dont l’arrêt total ou partiel mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes”.
Quant aux définitions de “l’entrave à la liberté du travail pendant la grève” et “l’occupation des lieux de travail”, l’UMT a proposé leur suppression, tandis que l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) a suggéré de supprimer uniquement “l’occupation des lieux de travail”, arguant d’un alignement avec les recommandations du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).
Pour clarifier certains concepts, le ministre a expliqué que :
- “L’entrave à l’exercice du droit de grève” signifie “tout acte prouvé empêchant l’exercice du droit de grève”.
- “L’entrave à la liberté du travail pendant la grève” signifie “tout acte prouvé empêchant l’accès aux lieux de travail ou empêchant les travailleurs non grévistes d’exercer leur activité”.
- “L’occupation des lieux de travail” désigne “tout acte empêchant la liberté de travail des employés non grévistes ou la continuité des activités de l’entreprise, de l’institution ou du service public, notamment en bloquant l’entrée et la sortie des marchandises, des équipements et des personnes”.
Enfin, le ministre a proposé de définir “la plateforme revendicative” comme “toute revendication visant l’amélioration des salaires ou l’obtention d’avantages matériels, économiques ou professionnels liés aux conditions de travail ou à l’exercice de la profession, pouvant inclure des questions litigieuses”.
À l’issue des discussions, Sekkouri a affirmé que ces modifications garantissent un accès élargi au droit de grève pour tous les syndicats, sans condition de représentativité majoritaire, et a souligné la nécessité de poursuivre les réflexions pour parvenir à un consensus plus large.
Lors d’une déclaration à la presse, le ministre a affirmé que les discussions sur les amendements se déroulent “dans un climat responsable et constructif”, ajoutant que “le gouvernement a présenté une nouvelle approche dans ce projet de loi sur le droit de grève, démontrant ainsi son écoute des revendications du mouvement syndical, des employeurs et des citoyens”.